Mon volontariat ou cette expérience anticipée de la maternité
- Agathe
- 22 févr. 2020
- 4 min de lecture
Après plusieurs articles plutôt factuels, j'ai choisi d'écrire un post un peu plus personnel. Ce n'est pas le registre dans lequel je me sens la plus à l'aise mais je dois admettre que vivre au Cambodge m'a beaucoup aidé à travailler dessus. L'expérience que je vous partage est bien sûr très en lien avec ma mission de responsable de foyer et de conseillère d'orientation, elle n'est pas forcément révélatrice de ce que vivent les autres bambous.
Sister ou Maman ?
Les étudiants ne s'y trompent pas, en quelques jours, vous devenez leur "sister" voire leur "maman". Pour ma part j'ai commencé par refuser ce second surnom avec lequel je n'étais pas à l'aise mais au fil du temps, cela leur échappe parfois et je dois avouer que cela ne me dérange plus. En tant qu'occidental cela peut paraître très surprenant mais ici pas tant que cela. Je vais vous expliquer pourquoi.

Au Cambodge, comme dans beaucoup de pays d'Asie il me semble, les appellations propres à la famille sont utilisées très facilement. Pour s'adresser à quelqu'un d'un peu plus âgé ou parler de lui, un cambodgien employera le terme "bong" suivi du prénom, de "pro" ou de "srey". Si vous avez lu mon article sur parler le cambodgien, vous savez que la traduction la plus proche en français serait "frère ou soeur aîné-e". Cela va ensuite crescendo: quelqu'un de plus âgé (âge des parents) sera appelé "pouk" c'est-à-dire oncle ou tante, un peu plus âgé ce sera "Om" soit grand-oncle etc... Tout ça pour expliquer qu'au Cambodge, se faire appeler "sister", "grand-mère" ou "oncle" alors qu'on n'a aucun lien familial n'a rien de très original, on appelle ainsi son chauffeur de tuk tuk ou son commerçant, cela remplace le Monsieur ou Madame français.
En revanche, il est amusant d'observer qu'après quelques semaines, la signification vient s'ajouter au titre chez les étudiants (un peu à l'inverse de ce qu'on pourrait trouver en France où on attend des preuves d'amitié avant de donner un surnom affectueux à la personne). La relation s'est renforcée, les étudiants ont appris à nous connaître, à voir que nous sommes là pour eux. Nous avons pris nos repas avec eux, joué, plaisanté.... Cela a contribué à forger la relation qui correspond au surnom. Désormais quand nous appelle "sister", "maï" (maman en khmer), "grande soeur", on sent que cela a un sens pour eux.
De la mission...
Ma mission de responsable de foyer comporte plusieurs points: faire respecter les règles (horaires, hygiène, etc...), diner avec les étudiants le dimanche soir, faire en sorte qu'il règne une atmosphère conviviale en célébrant les anniversaires ou en faisant des jeux de société car il ne faut pas oublier que les étudiants sont loin de leur famille, certains pour la première fois. Je suis également sollicitée s'il y a un problème de santé, financier, dans les études, cela fait partie de mon rôle de les aiguiller si je le peux ou de leur recommander quelqu'un qui pourra les aider.

Nous, les volontaires, organisons un grand nombre d'activités avec les étudiants de notre foyer ou du Centre, soit parce qu'elles sont au programme, soit parce que cela nous fait plaisir. Certains de ces moments de convivialité sont de grandes premières pour eux: première séance de cinéma, balade dans Phnom Penh, atelier cuisine, premier voyage tous ensemble... Au quotidien, je dois aussi conseiller plusieurs étudiants sur le choix d'orientation, apprendre à bien les connaître pour pouvoir leur recommander des entreprises adaptées.
A un peu plus !
Au fil du temps, notre fiche de poste s'étoffe jusqu'à devenir une partie majeure de la mission. Jour après jour, on voit lorsque les étudiants ont passé une bonne ou une mauvaise journée, s'ils sont stressés, malades ou enthousiastes, on les voit étudier jusqu'à tard... Désormais, lorsque je rentre au foyer suffisamment tôt, je m'installe avec ceux qui travaillent le français et je les aide à réviser. Je fais le tour des chambres pour m'assurer qu'ils sont tous rentrés mais surtout qu'ils vont bien. Je les écoute me raconter leurs aventures à l'université, s'ils ont réussi ou échoué à leurs examens, se sont faits de nouveaux amis etc... Et je dois avouer que même si ma journée a été bien pourrie (et cela arrive parfois), passer du temps avec mes garçons me redonne toujours le sourire !

Bref, vous l'aurez compris, avoir la responsabilité d'un foyer de jeunes khmers n'est pas sans conséquences sur nos petits coeurs d'artichauts. Maintenant, je m'inquiète quand ils sont malades, quand ils ont leurs examens, quand ils rentrent plus tard au foyer.
J'ai eu à gérer des situations compliquées : un étudiant qui se faisait manipuler par un professeur, un étudiant qui a dû rentrer chez lui pour un décès, un étudiant qui n'a pas eu l'autorisation de rentrer chez lui, un étudiant avec lequel j'avais du mal à communiquer etc... Il est aussi arrivé que je hausse le ton pour remettre certaines choses d'aplomb.
Aujourd'hui, nous formons une petite famille. Ils me manquent quand je passe plusieurs jours loin d'eux et ils ont l'air heureux de me revoir à mon retour. Je leur dis qu'ils sont beaux lorsqu'ils sortent de chez le coiffeur, leur écrit des petits mots d'encouragement le matin... De leur côté, ils ont des petites attentions permanentes à mon égard, remarquent si je porte quelque chose de neuf ou si j'ai mal dormi.
Bref, s'il y a bien une chose à laquelle je n'étais pas préparée, c'est recevoir autant de marques d'affection et à construire une relation si forte avec ceux qui sont aujourd'hui mes petits frères. Autant vous dire que j'appréhende déjà le jour où je devrai leur dire "au revoir".
Si vous voulez mieux les connaître, rendez-vous à ce lien.
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