top of page
Rechercher

La Lecture au Cambodge

  • Photo du rédacteur: Agathe
    Agathe
  • 4 déc. 2020
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 7 déc. 2020

Pour faire suite à mon article précédent conseillant quelques ouvrages destinés à découvrir le Cambodge, je souhaiterais vous parler d'un autre élément culturel que j'ai pu observer depuis mon arrivée. Cette réflexion a été nourrie par ma rencontre avec le directeur de l'ONG Sipar, maison d'édition solidaire engagée dans la promotion de la littérature et de la lecture dans le pays.





Histoire de la littérature au Cambodge


Comme de nombreux pays, le Cambodge se repose traditionnellement sur une transmission orale des textes. Les premiers textes sont principalement des récits mythiques comme le Reamker, la version khmère du Ramayana, ou religieux. Ils sont alors réservés à l'élite éduquée de la société. A partir du XVIIème siècle, l'art de la poésie se développe contant majoritairement des histoires d'amour. Les rares productions écrites sont alors rédigées sur des feuilles de latanier.

A compter du 20ème siècle, l'influence du protectorat français et du système éducatif qu'il aide à mettre en place se fait sentir. C'est à l'abbé Guesdon que l'ont doit l'impression à Paris des premiers textes en caractère khmers. Avec la multiplication des imprimeries au Cambodge, une littérature moderne se développe au Cambodge dès 1920 produite par des auteurs tels que Rim Kin, Kim Hak ou Nou Hach. Si les bonzes s'opposent dans un premier temps à la publication des textes sacrés, ils sont bientôt obligés de suivre la tendance à leur tour. Laquelle se confirme ensuite dans les années 60 ou 70, les librairies se sont développées de même que les maisons d'édition à Phnom Penh et dans certaines provinces comme Battambang ou Kampong Chham. Les auteurs s'inspirent alors d'écrivains français comme Albert Camus et une littérature populaire commence à émerger dont Soth Polin est l'un des représentants.


Malheureusement, le régime Khmer Rouge va mettre un frein à cette dynamique. Entre 1970 et 1975, une grande majorité des intellectuels sont tués, les bibliothèques brûlées avec leur contenu et les textes sont perdus. Les livres deviennent une denrée rare après la guerre civile et le niveau d'éducation ayant considérablement baissé, une partie de la population ne peut plus les lire. Une tragédie qui a malheureusement laissé des séquelles dans la société actuelle.



Place de la littérature dans le Cambodge d'aujourd'hui


A notre arrivée au Cambodge, les autres volontaires et moi-même avons d'abord été enchantés de découvrir que tous les étudiants lisaient. Lorsque nous leur demandions ce qu'ils avaient fait ou les activités qu'ils aimaient, la lecture était souvent citée. En creusant davantage ce sujet, nous nous sommes aperçus que la majorité des livres appréciés par les étudiants étaient des ouvrages de développement personnel au titre racoleur : "How to become a billionaire?", "Becoming rich and successful"... donnant en exemple Steve Jobs, Jack Ma... Aucun étudiant ne nous a jamais parlé de romans, livres d'histoires, essais ou encore biographies.

Lorsque nous avons évoqué ce sujet avec Mr Hok Sothik, directeur de Sipar au Cambodge, ce dernier a éclairé notre lanterne en expliquant :

"Au Cambodge, les gens n'ont plus l'habitude de lire pour le plaisir. A leurs yeux, la lecture est fonctionnelle : on lit pour accumuler des connaissances, d'abord des livres scolaires puis éventuellement des livres de développement personnel mais il n'y a aucune éducation à la littérature."

Avoir des livres est aussi un marqueur social, une manière de montrer qu'on est éduqué et aussi un produit perçu comme relativement luxueux pour des personnes sans beaucoup de moyens. Monsieur Hok Sothik explique à nouveau que lors du salon du livre du Cambodge qui se tient chaque année à Phnom Penh, les visiteurs sont de plus en plus nombreux mais semblent surtout privilégier les selfies avec leurs nouveaux achats plutôt qu'une vraie pratique culturelle.



Redonner accès à une littérature de qualité au Cambodge


La mission de l'ONG Sipar est essentielle dans un pays où les livres peinent à retrouver une place dans la société. Beaucoup d'éditeurs locaux se contentent de faire imprimer des ouvrages de mauvaise qualité, mal traduits et de les vendre à bas prix. Ces contenus attractifs et accessibles remportent malheureusement un grand succès au détriment d'ouvrages plus qualitatifs.





Sipar de son côté, a commencé à œuvrer au Cambodge dès 1992 pour redonner accès à l'éducation à travers la littérature notamment. Pour cela, l'association édite environ 16 nouveaux titres chaque année pour valoriser la culture cambodgienne mais aussi des volumes étrangers traduits en khmer. La diffusion est aussi une part essentielle de son travail, c'est pourquoi elle a développé plusieurs projets comme des bibliothèques mobiles dans des bus, des tuks tuks et mêmes de bateaux pour les populations des villages flottants. En parallèle, Sipar a travaillé depuis des années à installer des bibliothèques dans des écoles mais aussi des prisons, des ateliers textiles ou encore des hôpitaux afin de favoriser la diffusion de la littérature. Un projet oh combien important lorsqu'on réalise que la plupart des familles, même parmi les plus éduquées n'ont pas de bibliothèque chez elles. Hok Sothik déplorait d'ailleurs :

"Dès qu'ils ont de l'argent, les gens préfèrent mettre de grosses voitures dans leur maison plutôt qu'une bibliothèque."

NB: au Cambodge les gens ont l'habitude de rentrer leurs véhicules chez eux pour éviter les vols.


Redonner sa place à littérature dans la société moderne du Cambodge est un vrai challenge mais aussi un besoin indispensable, surtout à une époque où les écrans prennent de plus en plus de place au sein des familles servant parfois de mode de garde voire d'éducation. A ce titre, l'action de Sipar et de nombreuses ONG qui visent à promouvoir la littérature mérite toute notre admiration !


 
 
 

Comentarios


© 2023 par SUR LA ROUTE. Créé avec Wix.com

noun_linkedin_2049762_edited.png
noun_social network_1560895_edited.png
bottom of page