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Cambodge et écologie (2/3)

  • Photo du rédacteur: Agathe
    Agathe
  • 7 sept. 2020
  • 5 min de lecture

Cet article fait suite à une première réflexion que j'ai souhaité mener sur le sujet de l'écologie en Asie du Sud-Est. En tant qu'occidentaux, nous sommes souvent choqués par les comportements des populations locales qui ne voient pas de problème à jeter leurs emballages par terre ou dans le Mékong, à acheter une bouteille en plastique, elle-même servie dans un sac en plastique etc. Le but de ce premier article n'était pas de nier ces faits mais de rappeler que les pays développés polluent bien plus encore et qu'il faut parfois se garder de juger hâtivement des comportements qui étaient encore les nôtres il y a quelques années.

Dans cet article, je présenterai quelques-unes des problématiques rencontrées par le Cambodge sur le plan écologique.



La gestion des déchets


Si l'usage du plastique est souvent pointé du doigt au Cambodge, c'est la gestion des déchets au sens large qui pose problème: pas ou peu de poubelles dans les villes, des services de collecte à l'efficacité toute relative, une population mal informée et peu d'espaces de traitement. Si bien que les déchets sont, soit mis en décharge comme on a pu le voir dans le film Les Pépites de l'ONG Pour un Sourire d'Enfant, soit brûlés devant les maisons avec tous les risques sanitaires et de sécurité que cela comporte, soit jetés dans la nature. Le gros du travail de recyclage est encore réalisé par les chiffoniers, les "edjaïs", qui collectent à la main des kilos de cartons, canettes et bouteilles plastiques dans leurs charettes à bras pour les revendre quelques dollars à des intermédiaires privés.


Une chiffonière ramasse les déchets dans les rues de Tuol Kork, au nord de Phnom Penh. Crédits: Agathe Ducellier

Le recyclage d'ailleurs ne s'applique qu'à une infime part des 4 millions de tonnes de déchets produits par an, d'autant plus que qu'ils ne sont pas traités sur le territoire mais revendus à la Chine, Thaïlande etc.


Avec le développement de la société de consommation, le tout-jetable et les petits

Beaucoup de cambodgiens brûlent encore les déchets à la campagne comme dans les villes. Crédits: Agathe Ducellier.

formats sont la norme dans les villes mais aussi dans les zones rurales où tout s'achète dans de petits commerces le long des routes ou sur le marché. En effet, les cambodgiens ayant pour habitude de s'approvisionner au jour le jour, recourent souvent à des doses uniques pour les produits d'hygiène (savons, shampoings), font les courses au marché pour chaque repas (c'est autant de sacs plastiques), se nourissent de gateaux en sachet individuels, etc. Même les vêtements de pluie sont à usage unique ! Des habitudes de vie qui ne vont pas dans le sens d'une réduction de la production de déchets.


Fin 2019, le gouvernement a souhaité montrer son implication sur le sujet en interdisant l'importation et la production du plastique à usage unique sans qu'aucune alternative n'ait réellement été proposée. Des gobelets ou sacs en plastique épais sont à présent distribués mais disposent de la même durée de vie que les emballages précédents.



Son impact sur les cours d'eau



Marchande itinérante sur le Tonlé Sap. Crédits: Agathe Ducellier

La pollution plastique a bien sûr des impacts sur les cours d'eaux et littoraux cambodgiens dont le Tonlé Sap, le plus grand lac d'Asie du Sud-Est. L'enjeu est majeur puisque c'est son remplissage lors de la mousson qui permet l'irrigation d'une grande partie des terres agricoles. Aujourd'hui, le lac est pollué à la fois par les déchets et les bateaux à moteur utilisés par les communautés lacustres mais aussi par les rejets de pesticides issus d'une agriculture de moins en moins traditionnelle. L'ensemble de ces éléments contribue à déséquilibrer ce fragile écosystème provoquant la disparition des forêts immergées, des jacinthes d'eau, des oiseaux et des poissons alors même que la pêche constitue l'une des ressources majeures des communautés... A ces conséquences dramatiques, s'ajoute, dans les eaux du Mékong, l'extinction progressive de plusieurs espèces parmi lesquels les célèbres dauphins de l'Irrawady dont il ne resterait que 90 specimens.

Le Mékong, et donc le Tonlé Sap qu'il alimente, sont également victimes d'une guerre des barrages dont l'impact est désastreux pour le pays sur le plan écologique, économique que social. Un sujet que je creuserai probablement dans un futur article.


La situation dans les grandes villes du Cambodge n'est pas plus réjouissante. Si certaines, comme Phnom Penh ou Sihanoukville, disposent d'usines de traitement voire d'un réseau d'eau potable, une part des eaux usées circulent encore à travers la ville dans des canaux qui servent également de décharge puis sont déversées telle quelles dans les fleuves ou la mer. Les conséquences sont à la fois terribles sur le plan écologique mais aussi sanitaire et ce sont les populations les plus pauvres qui en pâtissent. Ces effets sont renforcés par le dynamisme du secteur de la construction en Asie, l'un des plus polluants au monde.



Construction et destruction



Phnom Penh vue de l'île de la Soie. Crédits: Agathe Ducellier

A l'instar de nombreux pays en développement, le Cambodge se construit au sens propre comme au figuré. Les projets immobiliers sont légions et la spéculation va bon train comme à Phnom Penh où le prix du mètre carré peut monter jusqu'à 3 000 euros. Cette logique de construction effrénée s'accompagne d'un coût écologique important.

En effet, si le Cambodge bénéficie bien d'un arsenal législatif destiné à protéger l'environnement, ses directives sont souvent mal appliquées surtout lorsque qu'ils se heurtent à des intérêts économiques. Un exemple de cette urbanisation galopante : Phnom Penh, ville dépourvu du moindre espace vert, va bientôt construire une île artificielle pour s'agrandir sur le Mékong.


Largement victimes de ces abus, les littoraux sont de plus en plus fragilisés et ce malgré l'instauration d'une loi littorale promulguée en 2016 dont l'objectif était surtout de récupérer des zones côtières autrefois concédées. Une décision avant tout économique donc, mais surtout paradoxale puisqu'hôtels, restaurants et casinos continuent de sortir de terre à un rythme effréné sur le front de mer de l'infortunée Sihanoukville, ancien village de pêcheurs maintenant ravagé par les chantiers.

A Kep, dans le sud du pays, les coraux ont été largement décimés à cause du chalutage illégal. L'ONG Marine Conservation Cambodia travaille à présent en étroite collaboration avec les autorités locales pour les restaurer.


Mangroves cambodgiennes. Crédits: Agathe Ducellier

Dernier exemple enfin de ces espaces fragilisées, les mangroves, qui abritent un écosystème très riche, sont largement dégarnies pour produire du charbon, un combustible encore très utilisé au Cambodge. En 15 ans, celles des provinces de Kep et Kampot ont vu leur superficie diminuer de 68%. Un drame que tentent d'endiguer les instances locales et internationales.




Vue sur la campagne de Battambang, autrefois très réputée pour son bois. Crédits: Agathe Ducellier

Enfin, bien qu'une loi de protection des espaces naturels existe depuis au moins 2008 et protège près de 38% de la masse totale des terres, les forêts et parcs nationaux sont aussi victimes d'une exploitation frénétique. Si la couverture de forêts primaires au Cambodge était autrefois de 70%, ce chiffre est aujourd'hui tombé à 3,1 % ce qui en fait l'un des pays les plus déforestés au monde proportionnellement. Ce phénomène s'explique en premier lieu par l'exportation du bois, mais aussi par une volonté d'étendre les zones agricoles, une majorité de la population étant encore rurale. Les intérêts économiques n'étant jamais loin, il n'est pas rare de voir certaines zones confiées à des entreprises privées au titre d'exploitation forestière. Cela masque parfois des activités bien différentes tels que l'exploitation minière ou la construction d'infrastructures hôtelières.


Vous l'aurez compris, le Cambodge a encore de sérieux défis à relever en matière d'écologie, de gestion de ses ressources et de régulation des activités humaines. Conscient de l'urgence de ces sujets, le gouvernement a déjà mis en place un cadre législatif pour protéger les ressources naturelles et lutter contre les conséquences néfastes d'un développement anarchique. Malheureusement, comme souvent, c'est l'application de ces règles qui fait défaut. La bonne volonté de l'état semble à la fois se heurter à un manque de ressources humaines et financières et se perdre dans les mécanismes officiels entre autorité nationale et provinciale. De leur côtés, ONG locales et internationales se mobilisent pour sensibiliser les communautés souvent mal informées mais sans la mobilisation d'un gouvernement qui peine à résister aux sirènes des investisseurs, il semble difficile de trouver une solution pérenne à ces problèmes.


 
 
 

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